50 ans
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Rosarium – Carl Rütti

Rosarium, est une œuvre commandée par l’EVSM au compositeur suisse Carl Rütti sur un texte de Philippe Baud. Cette oeuvre met en musique de manière poignante et splendide les mystères du Rosaire. La vie de Jésus vu par les yeux de Marie. Quinze tableaux, répartis en trois parties : Rosae laetitae, Rosae doloris et Rosae gloriae.

Le regard du compositeur

Mettre en musique l’histoire du salut de Jésus à travers le regard de Marie est pour moi une démarche qui a tout son sens, car il est dit d’elle « qu’elle gardait toutes ces choses dans son cœur ». Or, pour moi, c’est le cœur qui est à l’origine de toute musique.

La forme ternaire du rosaire ressemble à la forme de la sonate classique : exposition, développement, reprise. En ce sens, j’expose dans la première partie (Rosae laetitiae) les thèmes qui sont ensuite développés dans la deuxième partie (Rosae doloris) et qui trouvent leur achèvement dans la troisième partie (Rosae gloriae).

Voici quelques exemples illustrant les relations entre les trois parties :

Dans la partie Annonciation, aux couleurs printanières, l’ange chante l’annonce à Marie dans le jardin sur une mélodie que Jésus reprend avec angoisse dans Agonie au jardin des oliviers et qui revient comme thème au début de L’Eglise du ciel.

Les thèmes du mystère Visitation avec le pas allant de Marie dans les montagnes, l’enfant exaltant de joie dans le sein de sa mère et le Magnificat sont déformés dans Flagellation. La mélodie du Magnificat devient le thème couronnant la fin des deux derniers mystères.

La Nativité proprement dite se déroule dans une simple étable. Ainsi, le troisième mystère est un noël tout simple, a cappella. A la fin, les anges mêlent des noms de roses au chant du Gloria, comme une vénération du mot rosaire. Ces motifs de roses sont repris sur un air moqueur dans Couronnement d’épines et reviennent comme une tempête de langues de feu dans Pentecôte. Le thème du noël réapparaît également dans Couronnement d’épines dans la bouche des soldats (chœur d’hommes) : d’un côté le corps admirable et adoré de l’enfant-Dieu, de l’autre le corps meurtri et bafoué de l’homme-Dieu.

Trois aspects me semblaient importants dans Purification : d’abord la lumière, ensuite l’annonce de Siméon qu’une épée transpercerait le cœur de Marie (ce qui se produira dans Portement de la croix) et enfin la phrase « Marie gardait toutes ces choses dans son cœur ». Les éléments musicaux du mystère Purification sont repris presque littéralement dans le mystère Ascension.

Dans Retrouvailles, Marie et Joseph errent à la recherche de leur enfant et lorsqu’ils l’ont trouvé dans le temple, ils entendent cette réponse dure : « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » (« In his quae patris mei sunt mihi opportet esse. »). Les mélodies de ce mystère résonnent dans le chant de Marie sous la croix et au matin de Pâques qui est aussi un jour où se mêlent douleur, doute et espoir.

L’auditeur attentif reconnaîtra également dans le cours de l’œuvre les trois prières principales du rosaire : Ave Maria, Pater noster et Gloria Patri.

Carl Rütti

Le regard du parolier

Au Ier millénaire, l’accès aux cent cinquante psaumes de la Bible n’était guère aisé pour les chrétiens : la plupart d’entre eux ne savaient ni lire ni écrire et les livres valaient des fortunes. Ils prirent alors l’habitude d’exprimer leur dévotion en récitant cent cinquante Notre Père. Cette prière s’appelait le « Psautier du Christ ». Et pour ne pas perdre le compte, ils utilisaient un collier de cent cinquante grains, nommé « patenôtre ». Vers le XIe siècle, par analogie, parut le « Psautier de la Vierge ».

En un temps où les chevaliers courtois aimaient à offrir une couronne – « petit chapeau » ou chapelet – de roses à leur dame, les moines, en fidèles chevaliers servants, se mirent aussi à tresser leur couronne de prières pour l’offrir à la mère du Christ, saluée comme « Notre-Dame ». Cette récitation consistait à reprendre cent cinquante fois la salutation adressée par l’ange Gabriel à Marie, en méditant à chaque dizaine un temps fort de la vie de Marie auprès de Jésus.

En usage dès le XIIe siècle chez les moines cisterciens, cette dévotion s’est largement répandue dans le monde chrétien au XIIIe, sous l’influence des prédicateurs dominicains. Chaque rose a sa beauté particulière, son temps, son parfum et ses tons. Par son éclosion, elle est proprement révélation : elle livre un secret longtemps attendu et caché. Par ses épines, elle évoque la souffrance : telle goutte de sang devient signe de don. Par son éclat, elle célèbre la création : elle chante la mystérieuse beauté du monde.

Philippe Baud

Date

  • Dimanche 24 novembre 2013, 15h30, Basilique de Saint-Maurice

Revue de presse

Messe en si – Bach

La plus belle des messes

C’est la fin de sa vie. Bach est un vieux monsieur. Il n’est plus à la page, la musique est ailleurs : elle préfère le pianoforte au clavecin, l’expression exacerbée des sentiments à la rigueur bien ordonnée du contrepoint. Bach le sait bien, il vit ce dilemme sous son propre toit, avec son aîné, son fils préféré, Wilhelm Friedemann, qui tourne le dos aux fugues sérieuses de papa pour briller de cour en cour et de tribune en tribune avec ses « fantaisies » virtuoses et ensorcelantes.

Alors le vieux Bach, qui a abandonné ses fonctions de cantor et n’est donc plus astreint à produire des kilomètres de musique liturgique utilitaire (mais l’utilitaire, chez Bach, c’est du génie au quotidien !), se retire dans son monde à lui. Il est dans cette période de sa vie, les cinq dernières années (1745-1750), où, comme le dit joliment son premier biographe, « il ne pouvait toucher une plume sans produire un chef-d’œuvre ». Lui qui a presque perdu la vue se met à explorer plus profondément encore son monde intérieur. Il entre dans une autre dimension. Sa musique, essentiellement instrumentale, devient spéculative, absolue, universelle – de la musique à l’état pur. Et il rassemble des « sommes musicales » qui viennent parachever une œuvre déjà riche : ainsi l’Art de la fugue, l’Offrande musicale et la Messe en si mineur.

Nous sommes en 1749, ou un peu avant. Dans une année, Bach sera mort, foudroyé par une attaque d’apoplexie probablement consécutive à l’opération ratée de la cataracte, qui le laissera aveugle. Bach a déjà composé plusieurs messes en latin, telles que la liturgie luthérienne les autorisait pour les fêtes. Mais il veut laisser une messe qui surpasse toutes les autres, la plus belle des messes. Et pour cela, il va puiser dans ses archives des mouvements existants, composés en 1724 (« Sanctus »/« Pleni sunt coeli ») et en 1733 (« Kyrie », « Gloria »). Pour le reste, il va « parodier » (c’est-à-dire arranger) des mouvements instrumentaux et en faire des airs et des parties chorales. Enfin il va composer ce qu’il manque.

Ainsi est née cette messe, représentation idéale de la messe en musique, fruit d’un assemblage de ce que Bach considère comme le meilleur de lui-même ! C’est pour cela que, à juste titre, la Messe en si est considérée comme un sommet absolu.

Recréer en concert une œuvre aussi dense, aussi longue (deux heures et quart de musique), aussi chargée en symbolismes et en significations théologiques, aussi enregistrée également… c’est prendre des risques. Qui sommes-nous pour nous attaquer à une telle montagne ? La démarche est osée, mais l’apprentissage et le mûrissement de ces pages au fil des heures de répétition et, aujourd’hui, l’émotion de partager cette musique exceptionnelle et tout notre travail avec vous, tout cela constitue un des plus beaux cadeaux d’anniversaire que nous puissions imaginer.

Cinquante ans déjà que l’Ensemble vocal de Saint-Maurice arpente les terres de la musique sacrée et anime les messes radiodiffusées et les offices à l’Abbaye de Saint-Maurice. Associer Bach et la Messe en si à ce jubilé est un honneur, une fierté et une joie sans mesure. C’est aussi une formidable motivation à continuer l’aventure de nombreuses années encore… avec vous, fidèle public, à nos côtés !

Pascal Crittin, directeur artistique de l’EVSM

Conférence publique

      Mercredi 1er mai à 19h30

Pascal Crittin, directeur artistique de l’Ensemble vocal de Saint-Maurice, a donné une conférence publique à la Grande salle du Théâtre du Martolet, sur le thème de la Messe en si de Bach.

Échos médiatiques